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Cholestase gravidique
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La cholestase gravidique est une maladie du foie affectant la femme enceinte, généralement au cours du 3ème trimestre de grossesse. Elle provoque des démangeaisons intenses sur les mains et les pieds, puis sur tout le corps. Elle est globalement sans gravité pour la mère, mais peut conduire, dans des cas extrêmes, au décès du fœtus in utero.
La cholestase gravidique nécessite une prise en charge médicale adaptée et rapide. Présentation des symptômes et de la conduite à tenir.
Qu’est-ce qu’une cholestase gravidique ?
La cholestase est une pathologie hépatique. Elle résulte d’un trouble des échanges biliaires au niveau du foie. Lorsque cette pathologie survient dans le cadre d’une grossesse, on parle de cholestase gravidique ou de cholestase intrahépatique de la grossesse (CIG).
Elle provoque une accumulation des acides biliaires dans le sang de la mère. Par le biais du cordon ombilical, ils sont transmis au foetus et peuvent provoquer son intoxication.
La cholestase gravidique est une complication fréquente, car elle touche 0,4 à 1% des grossesses en Europe¹. C’est la première pathologie hépatique de la femme enceinte.
Son mécanisme est mal connu, mais il serait multifactoriel (hormonal, génétique et environnemental).
Cette maladie survient généralement au cours du troisième trimestre de la grossesse. Elle peut arriver plus rarement durant le second trimestre ou de manière exceptionnelle en début de grossesse. Les mères ayant déjà eu une cholestase gravidique lors d’une précédente grossesse sont plus à risque d’en développer une nouvelle. Celle-ci aura tendance à débuter plus tôt lors d’une seconde grossesse.
Quels sont les symptômes de la cholestase gravidique ? Quand s’inquiéter et consulter ?
Les signes cliniques d’une cholestase intrahépatique de la grossesse sont à la fois très simples, mais si peu spécifiques qu’il est facile de passer à côté au départ. De manière simplifiée, des démangeaisons très importantes au cours du 3ème trimestre de grossesse doivent inviter à consulter rapidement la sage-femme ou le gynécologue accompagnant la maman.
Présentation des signes cliniques et biologiques de la CIG.
Signes cliniques de la cholestase gravidique
Démangeaisons
Le symptôme principal de la cholestase gravidique sera les démangeaisons (ou prurit en terme médical).
On le retrouve :
- Souvent localisé sur les extrémités : paume des mains et plante des pieds
- Dans les cas plus sévères : la démangeaison s’étend à tout le corps
- Majoré le soir et la nuit
Des tableaux atypiques peuvent se retrouver, avec des démangeaisons localisées uniquement sur le ventre par exemple. Un prurit important, survenant au cours du troisième trimestre de la grossesse, doit inciter à un rendez-vous avec sa sage-femme ou son gynécologue.
Ces démangeaisons n’ont pas de cause dermatologique ou allergique facilement identifiable. Il n’y a aucune lésion sur la peau (boutons ou plaques type eczéma), excepté les lésions de grattage.
Ictère
L’ictère, plus communément appelé « jaunisse », se retrouve dans environ 10% des cas² de cholestase gravidique. Il est lié à l’augmentation anormale du taux de bilirubine dans le sang. La peau et le fond de l’œil se teintent de jaune.
Ce signe est rarement le premier, mais il est un signe de gravité.
Résolution spontanée après l’accouchement
L’un des signes caractéristiques de la cholestase intrahépatique de la grossesse est sa résolution spontanée dans les jours ou semaines qui suivent l’accouchement.
Elle ne laisse généralement pas de séquelles. Le foie reprend son fonctionnement normal dès que les hormones de grossesse diminuent.
Confirmation biologique du diagnostic de cholestase gravidique
La confirmation du diagnostic repose sur le dosage de certains marqueurs hépatique.
Le médecin gynécologue ou la sage-femme prescrira une prise de sang à faire impérativement à jeun. Outre la confirmation du diagnostic, ce bilan permettra une évaluation des risques pour le fœtus.
Dans ce bilan hépatique, on retrouvera :
- Les transaminases (ASAT et ALAT) : Dans le cas d’une cholestase gravidique, les transaminases sont habituellement augmentées. Mais un taux normal n’exclut pas le diagnostic de CIG à lui seul.
- Les acides biliaires : c’est le marqueur le plus sensible et le plus spécifique. Dès lors qu’il dépasse 14 µmoles/L, il confirme le diagnostic de cholestase intrahépatique de la grossesse. Au-delà d’un certain seuil (40 µmoles/L), les risques de complications fœtales sont majorés.
Signes associés au bébé
Tant qu’il n’y a pas de réelle souffrance du bébé in utero, le fœtus continue à se comporter normalement.
Chaque maman connait son bébé. Tant qu’il bouge autant qu’à son habitude (beaucoup par moment, moins à d’autres), la situation reste rassurante.
Tout changement brusque dans ce que ressent habituellement la mère doit être un signe d’alerte.
Elle peut dans un premier temps :
- Se poser et essayer de stimuler son bébé pour voir sa réactivité
- Appeler les urgences de la maternité où elle doit accoucher pour prendre un avis médical et recevoir les conseils appropriés
- Se rendre aux urgences obstétricales (après avoir appelé et sur demande de l’équipe) pour confirmer que le bébé va bien
Quelles sont les causes d’une cholestase gravidique ?
Les causes et le mécanisme de la cholestase gravidique sont mal connus. Malgré tout, trois grandes causes, plus ou moins corrélées entre elles, provoquent ou augmentent le risque de développer cette maladie.
Les hormones de grossesse
Il est prouvé que les modifications hormonales liées à la grossesse participent aux anomalies de fonctionnement des hépatocytes (cellules spécialisées du foie).
Dans une grossesse normale, sans pathologie, des marqueurs hépatiques se modifient³. Certains augmentent légèrement, d’autres diminuent. Preuve que le fonctionnement du foie, comme de nombreux autres organes, est adapté durant cette période particulière de gestation.
Les dysfonctionnements hépatiques entrainant une cholestase gravidique seraient liés, par un mécanisme mal compris à ce jour, à l’augmentation du taux d’œstrogènes.
Dans le cas des grossesses gémellaires, ce taux d’œstrogène est encore plus important. Elles sont plus à risque de développer une cholestase gravidique qu’une grossesse simple.
Le facteur génétique
En Europe et en Amérique du Nord, la prévalence de la cholestase gravidique varie entre 0,4 à 1% des grossesses. En France, elle concerne environ 1 grossesse sur 1000.
Cependant, dans certaines régions du globe et chez certaines ethnies, cette prévalence est nettement supérieure à la moyenne mondiale (autour de 1%). Ainsi, dans des tribus chiliennes ou boliviennes, jusqu’à 27% des femmes enceintes⁴ peuvent être touchées.
Ce taux d’incidence, aussi disparate à travers le monde, tend à démontrer l’existence d’un facteur génétique. Des anomalies au niveau de certains gènes⁵, augmentant le risque de cholestase intrahépatique de la grossesse, ont d’ailleurs été mises en évidence par les chercheurs.
Entre autres, les femmes souffrant du syndrome LPAC⁶, entrainant la formation de calculs dans le foie et la vésicule biliaire, sont plus susceptibles de développer une cholestase gravidique durant leurs grossesses. Ce syndrome LPAC (Low Phospholipid-Associated Cholelithiasis), serait en majorité dû à la mutation du gène ABCB4.
Identifier les formes génétiques ou familiales permet de mieux surveiller les femmes enceintes concernées. Ce facteur explique en grande partie la récidive importante de la cholestase gravidique en cas de nouvelle grossesse.
Le facteur environnemental
Cette maladie semble avoir un caractère saisonnier. Un pic se dessine très nettement en hiver.
De cette constatation, des recherches ont été menées, démontrant qu’une carence en vitamine D⁷ (plus marquée en hiver, lorsque le soleil est moins présent) augmente le risque de cholestase gravidique.
Des facteurs prédictifs
Ils ne sont pas à proprement parler des causes de la cholestase intrahépatique de la grossesse, mais ils sont des marqueurs invitant à une meilleure surveillance.
Trois situations sont à noter :
- Une grossesse tardive : l’âge est un facteur favorisant certaines complications durant la grossesse, dont les CIG
- Une grossesse multiple : le taux d’œstrogène étant particulièrement élevé dans le cas d’une grossesse gémellaire (ou plus)
- Un antécédent de cholestase gravidique lors d’une précédente grossesse : la récidive est très fréquente dans cette pathologie, et souvent plus précoce (dès le second trimestre, voire avant)
Cholestase gravidique et risques : est-ce dangereux pour la maman et le bébé ?
Conséquences de la cholestase gravidique pour la maman
Cette maladie est principalement bénigne pour la maman. Elle se développe au cours de la grossesse et s’arrête toute seule, quelques heures à quelques semaines après la naissance.
Hormis les démangeaisons et le manque de sommeil, elle ne présente pas en soi de complications pour la future mère.
Cependant, ce propos est à nuancer légèrement.
Tout d’abord, dans les cas de cholestase gravidique compliquée (avec jaunisse et déficit en vitamine K), la maman présente un risque accru d’hémorragie au moment de l’accouchement.
De plus, la cholestase interhépatique de la grossesse se retrouve bien souvent associée à d’autres pathologies. Ainsi, le risque de développer un diabète gestationnel ou d’avoir une pré-éclampsie est multiplié par 3 en cas de cholestase gravidique. Ces deux maladies peuvent avoir de graves conséquences pour la mère.
D’autres maladies peuvent également se développer ou être sous-jacentes à la CIG. On note par exemple :
- Hépatite C
- Cirrhose
- Lithiase biliaire (calcul biliaire)
- Cancer du foie
- Maladie de Crohn
- Diabète
- Hypo ou hyper thyroïdie
La surveillance de la maman, ainsi que les explorations médicales nécessaires, sont importantes durant la fin de la grossesse et jusqu’à guérison complète.
Conséquences de la cholestase gravidique pour le bébé
Il faut d’abord rassurer les futures mamans. Dans une grande majorité des cas, la cholestase gravidique n’a pas de conséquences néfastes pour leur bébé.
Cependant, la surcharge d’acide biliaire dans le sang de la mère peut se transmettre au fœtus par le biais du cordon ombilical et du liquide amniotique. Elle entraine alors de graves complications.
Prématurité
C’est la première complication de cette maladie pour le bébé. Elle concernerait 19 à 60% des cas selon les études⁸.
Ces chiffres englobent deux phénomènes :
- La cholestase interhépatique de la grossesse augmente significativement le risque de prématurité spontanée
- Les équipes médicales et obstétricales sont globalement favorables pour déclencher un accouchement prématuré à partir de 37 semaines d’aménorrhée dès lors que le bébé est suffisamment mature au niveau pulmonaire et que la balance bénéfice/risque penche en faveur de ce déclenchement.
Souffrance fœtale
Dans les cas extrêmes, cette pathologie peut conduire à la mort du bébé in utero. Ce drame affecte 1 à 2%⁹ des mamans atteintes de cholestase gravidique.
Même si le mécanisme conduisant à la mort du fœtus est mal compris, il est admis que ce risque augmente :
- Avec la gravité de la CIG : plus les taux d’acides biliaires sont haut dans le sang, plus les risques sont importants
- Avec la précocité de la CIG : plus la maladie commence tôt dans la grossesse, plus elle a tendance à être sévère
Parmi les autres complications, on note :
- Bradycardie (ralentissement du rythme cardiaque)
- Détresse respiratoire à la naissance
- Liquide amniotique méconial (risque d’inhalation à la naissance avec problème respiratoire)
Quel traitement contre une cholestase gravidique pendant la grossesse ?
La cholestase gravidique nécessite impérativement une surveillance médicale ou obstétricale. Sa prise en charge dépend de l’avancement de la grossesse (avant ou après 37 semaines d’aménorrhée), mais elle se fait globalement en trois temps : traitement, surveillance et déclenchement.
Traitement médical
Même s’il n’est pas médicamenteux, le premier traitement de la cholestase gravidique reste le repos de la mère.
Avant 37 semaines d’aménorrhée, la cholestase gravidique est également soulagée par la prise d’acide ursodésoxycholique. Ce traitement médical ne guérit pas la maladie, mais il réduit les symptômes.
- Les démangeaisons sont apaisées et diminuent
- La concentration des acides biliaires dans le sang est réduite
- Les effets toxiques des acides biliaires sur le fœtus sont limités
Surveillance
Dès la découverte de la maladie et jusqu’à sa guérison, la femme enceinte fera l’objet d’une surveillance particulière.
- Prise de sang : quelques jours après le début du traitement puis une fois par semaine jusqu’à l’accouchement (en augmentant la fréquence si nécessaire)
- Monitoring et échographies : surveillance du bébé dont la fréquence est corrélée à la gravité de la maladie
- Hospitalisation : dans les cas les plus graves (où l’acide urodésoxycholique ne semble pas fonctionner et les taux restent préoccupants) la femme enceinte sera hospitalisée. Elle fera alors l’objet d’une surveillance quotidienne.
Déclenchement de l’accouchement
Tant que l’état de la maman le permet (taux d’acides biliaires dans le sang encore acceptable), la grossesse sera poursuivie aussi loin que possible. Idéalement, jusqu’à son terme.
Si la balance bénéfice/risque devient défavorable, après 37 semaines d’aménorrhée, la naissance prématurée du bébé devient préférable au risque encouru à poursuivre quelques semaines la grossesse.
À ce stade, il est normalement mature au niveau pulmonaire et, sauf souffrance in utero, son état ne diffère pas de celui d’un bébé né au même stade de développement, hors cholestase gravidique.
FAQ
La cholestase gravidique peut-elle revenir lors de la seconde grossesse ?
Nous l’avons déjà évoqué dans cet article, le risque de récidive de la cholestase gravidique est important lors d’une prochaine grossesse. Il est de l’ordre de 40 à 60%.
En cas de récidive, la maladie commence souvent plus tôt dans la grossesse et les symptômes sont plus importants. Il est important d’en informer la sage-femme ou le gynécologue qui accompagne la grossesse.
Une contraception orale œstroprogestative est-elle possible après une cholestase gravidique ?
Il n’y a pas d’interdiction formelle. Une femme ayant l’habitude de prendre une contraception orale œstroprogestative peut la reprendre après son accouchement, mais une surveillance médicale sera nécessaire durant les premiers mois. Un risque de cholestase gravidique hormono-induite est possible.
Faut-il adapter son alimentation en cas de cholestase gravidique ?
Le lien entre la cholestase gravidique et l’alimentation n’est pas clairement établi. Bien que la cholestase de la grossesse soit une atteinte du foie, aucun aliment en particulier ne vient la prévenir ou la soulager.
Cependant, chez les femmes sujettes aux calculs biliaires ou aux problèmes hépatiques, comme chez toutes les futures mamans, une bonne hygiène de vie est recommandée.
Tous les aliments riches en cholestérol sont à consommer avec modération.
Tant pour son action sur le foie que pour les risques qu’il engendre sur le bébé, l’alcool doit être évité durant toute la durée de la grossesse.
Après l’accouchement, la cholestase gravidique est-elle guérie ?
Rapidement après l’accouchement, cette pathologie se guérit spontanément. La durée de cette guérison varie de quelques heures à quelques semaines.
Cependant, la jeune maman devra faire l’objet d’une surveillance médicale encore quelques semaines à quelques mois pour s’assurer qu’aucune autre pathologie sous-jacente ne se développe.
Quels sont les spécialistes de la cholestase gravidique ?
La cholestase gravidique étant une pathologie de la grossesse, elle est d’abord diagnostiquée puis suivie par le médecin obstétricien ou la sage-femme qui accompagne la femme enceinte.
Cependant, le recours à un hépato-gastro-entérologue peut être nécessaire, soit pour obtenir un bilan plus approfondi, soit pour écarter toute autre pathologie hépatique sous-jacente.
Toutes les démangeaisons durant une grossesse sont-elles le signe d’une cholestase gravidique ?
La femme enceinte a bien des raisons (spécifiques ou non à la grossesse) de se démanger :
- Atteinte dermatologique (eczéma, psoriasis)
- Éruption polymorphe de la grossesse
- Pemphigoïde de la grossesse
- Sécheresse cutanée
- Allergie
Toutes les démangeaisons ne sont donc pas l’expression d’une cholestase intrahépatique de la grossesse. Mais elles doivent toutes être écoutées ! Il est important d’en parler au professionnel de santé qui accompagne la future maman. Cela lui permettra d’éliminer les causes graves et de soulager les désagréments qui peuvent l’être.
Références / Sources
1. Intrahepatic cholestasis of pregnancy, Thomas Pusl & Ulrich Beuers. 2007.
https://ojrd.biomedcentral.com/articles/10.1186/1750-1172-2-26
2. Intrahepatic cholestasis of pregnancy-current achievements and unsolved problems, Jurate Kondrackiene and Limas Kupcinskas. 2008.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2751886/
3. Foie et grossesse, FMC Gastro. 2003.
https://www.fmcgastro.org/postu-main/archives/postu-2003-paris/foie-et-grossesse/
4. Intrahepatic cholestasis of pregnancy, Thomas Pusl & Ulrich Beuers. 2007.
https://ojrd.biomedcentral.com/articles/10.1186/1750-1172-2-26
5. Cholestase gravidique, Christophe Corpechot. 2017.
https://www.fmcgastro.org/textes-postus/no-postu_year/cholestase-gravidique/
6. Le syndrome LPAC (Low Phospholipid-Associated Cholelithiasis) : mythe ou réalité ?, Bertrand Condat. 2016.
https://www.fmcgastro.org/textes-postus/no-postu_year/le-syndrome-lpac-low-phospholipid-associated-cholelithiasis-mythe-ou-realite/
7. Decreased 1,25-dihydroxy vitamin D levels in women with intrahepatic cholestasis of pregnancy, Elisabeth Wikström Shemer, Hanns-Ulrich Marschall. 2010.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20955096/
8. Intrahepatic cholestasis of pregnancy, Thomas Pusl, Ulrich Beuers. 2007.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17535422/
8. Effects of Intrahepatic Cholestasis on the Foetus During Pregnancy, Anushree Sahni and Sangita D Jogdand . 2022.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9681709/